CRITIQUE// La fenêtre de la nature s’ouvre au Louvre Lens

Jusqu’au 24 juillet, le musée du Louvre-Lens présente « Paysage. Fenêtre sur la nature ». A la question que soulève son titre, l’exposition répond par une analyse fine et complète de la démarche artistique relative au paysage, de la Renaissance à nos jours.

D’emblée, le visiteur est accueilli par la surprenante mise en scène de l’artiste plasticien Laurent Pernot, qui combine élégamment musique, couleurs et vidéos. Commence alors une promenade dans des espaces hauts en couleurs, où la bande son et les éclairages soigneusement choisis créent une ambiance immersive unique. On se sent bien, et l’on se plaît à flâner là où le temps s’écoule lentement.

Esquisses d’arbres et de rochers, ciels et eaux travaillés sur le motif (c’est à dire en plein air) : à travers les œuvres de Delacroix, Pierre Henry de Valenciennes, Paul Flandrin ou Utagawa Hiroshige, l’exposition nous présente successivement les fragments qui, une fois assemblés, constitueront le paysage. En marge de la pratique, les théoriciens prodiguent des conseils pour obtenir la vision la plus réaliste possible de ces détails : en 1435, Léon Battista Alberti publie un traité « De la peinture » dont les conceptions inspireront les réflexions des plus grands tels Vinci ou Dürer.

Mais le paysage, nous rappelle l’exposition, n’est pas que l’espace. C’est aussi le temps. Cette notion enrichit la portée des œuvres, qu’elles soient subtiles compositions paysagères en petit format ou panoramas grandioses. A l’instar de Monet, qui peignait le même paysage en fonction de la lumière, les artistes déclinent un même décor au gré des saisons, mais également des périodes. Les ruines font également leur apparition, dans une mise en scène picturale qui devient un genre de prédilection pour évoquer le passé et questionner le statut de l’homme.

Confrontés à la photographie et au cinéma, techniques aptes à témoigner du monde avec un réalisme pointu, les artistes entendent plus tard se libérer du besoin de représenter la nature « vraie ». « Le paysage n’est plus seulement un morceau de réel… ni un petit théâtre dans lequel se raconte une histoire. C’est une création issue de la sensibilité de l’artiste. Apparaissent ainsi des mondes abstraits, constitués de formes, de couleurs, de souvenir, de rêves et de symboles », précise le catalogue de l’exposition. Dans cette brèche, on s’attarde alors sur quelques tableaux de Georges Braque, Vassily Kandinsky, Georgia O’Keeffe (Centre Pompidou 2021), Yves Tanguy et Joan Mitchell (Fondation Louis Vuitton 2023). C’est sur ce modernisme pictural que s’achève la promenade.

« Paysage. Fenêtre sur la nature » propose une démarche didactique qui comblera le profane comme le passionné. Outre son abondance en toiles, gravures, aquarelles de tout genre, célèbres ou méconnues, c’est le regard plus réfléchi que l’on posera sur les paysages qui en fait sa richesse.

Indépendamment de l’exposition, le prêt de La dentellière de Vermeer par le Louvre parisien constitue un véritable évènement. La plus petite toile du maître (seulement 24,5 par 21 cm) trônera pour un an dans la galerie du temps (dont l’accès est gratuit). Toute en nuance, sans artifice, cette merveille se laisse contempler sans modération jusqu’en 2024.

Régis Loretti


Exposition Paysage. Fenêtre sur la nature, au Louvre-Lens jusqu’au 24 juillet 2023.

Images : François-Auguste BIARD, Magdalena Bay, vue prise de la presqu’île des Tombeaux, au nord du Spitzberg ; effet d’aurore boréale. Alexandre CALAME, Arbre brisé au Kerket, près de Meyringen. Photographies : Maryse Decool.