RENCONTRE// J-C Fall, co-metteur en scène de Belle du Seigneur au Théatre de la Tempête

Les Zébrés ont rencontré Jean-Claude Fall, qui co-signe avec Renaud-Marie Leblanc la mise en scène de Belle du Seigneur, pièce magistralement interprétée par Roxane Borgna jusqu’au 16 décembre 2012 au Théâtre de la tempête.

Les Zébrés

Belle du Seigneur
Du 15 nov au 16 déc 2012
Théâtre de la tempête (75012)
Texte d’Albert Cohen
MES : Jean-Claude Fall et Renaud Marie Leblanc
Avec Roxane Borgna

Les Zébrés. – Quelle fut votre première rencontre avec les mots d’Albert Cohen ?
Jean-Claude Fall. J’ai connu l’oeuvre d’Albert Cohen tout d’abord à travers O vous frères humains et Le livre de ma mère.
Puis Roxane Borgna, du fait de son projet sur Belle du seigneur, m’a amené à la lecture du roman.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce roman en particulier ?
L’oralité de cette écriture est très frappante et séduisante.
C’est une langue qui parle et qui se parle.
Bien sûr l’anecdote racontée de différents points de vue est une technique éprouvée et fascinante. Mais ce qui m’a le plus frappé dans Belle du seigneur, c’est la violence de cette passion. La brutalité même de cette passion. La dévoration de l’un par l’autre.
Aimer, c’est être au monde joyeusement, ce n’est pas être seuls au monde. C’est là le mouvement du roman qui commence par cette joie incommensurable de la rencontre et se finit par l’isolement et la mort. Les deux amants sont rejetés par tous et rejettent tout ce qui n’est pas eux. Ils finissent même par se rejeter l’un, l’autre.
Dernière chose mais pas la moindre, l’humour affleure à tout moment. Un humour salvateur.

Choisir les passages à extraire fut-il laborieux ou bien se sont-ils imposés naturellement ?
Il n’était pas envisageable ni pensable de faire une adaptation d’un pareil roman, Roxane a choisi les séances de « racontage » dans la baignoire d’Ariane.
Tout en découle. Nous avons choisi cinq de ces soliloques. Nous nous sommes alors rendu compte que cela racontait toute l’histoire, de façon elliptique, certes, mais toute l’histoire.

Selon vous, est-ce une éloge de la passion ou un brûlot ?
Comme je l’ai dit plus haut, le mouvement du roman c’est le balancement entre les deux extrêmes de la passion.
Celle qui fait vivre joyeusement et intensément, puis celle qui tue avec la même frénésie, la même rage.

Parlez-nous de Roxane Borgna qui livre une formidable performance et est à l’origine, je crois, du montage de cette pièce…
Il y a des rencontres uniques avec les mots d’un auteur pour chacun d’entre nous.
La rencontre de Roxane avec les mots d’Albert Cohen est de celles-là.
Cette rencontre magnifie la langue et celle qui l’incarne.

La comédienne est dans sa baignoire tout au long de la pièce. Comment cette idée est-elle née ?
Renaud-Marie Leblanc et moi avons constaté au cours des répétitions que dès qu’Ariane sortait de sa baignoire le spectacle devenait anecdotique et rabattait l’écriture dans uns fonction  réalistement narratrice. A contrario, le fait qu’Ariane soit plongée d’emblée dans sa baignoire et ne pose jamais les pieds au sol permettait un élargissement du sens, une lecture et une perception plurielles de ce que « ça » raconte et de ce que « ça » nous raconte.
Ariane est dans sa robe de mariée, sa robe du premier jour et du dernier soir, et immergée, « comme morte ». Elle se redresse et revit pour nous, avec ses mots à elle cette histoire terrible et sublime.
Elle s’immerge à nouveau à la fin du spectacle.
Nous avons essayé de faire de cette baignoire une scène de théâtre. Un théâtre de l’intime, à la fois terriblement impudique et extrêmement pudique. Un espace où on est seul en même temps que devant une foule imaginaire, ou encore devant une instance supérieure (Dieu?, l’être cher?). Un théâtre où l’on peut tout montrer parce que personne ne nous voit..

Finalement, qu’aimeriez-vous provoquer chez le spectateur ? Un choc ?
Pas un choc, non.
Une intense jubilation devant cette langue magnifiée, devant cette actrice imprévue, imprévisible, solaire, lumineuse et grave à la fois.
J’espère que l’on sort de ce moment de théâtre, titubant, ivre des mots d’Albert Cohen. Comme pris de vertige. Amoureux. Encore et malgré tout. Oui, amoureux.

Propos recueillis par Benjamin Pechmezac

2 Replies to “RENCONTRE// J-C Fall, co-metteur en scène de Belle du Seigneur au Théatre de la Tempête”

  1. Un metteur en scène passionné, j’aime sa façon de parler de son travail…J’irai voir la pièce !

  2. Oui, c’est un entretien passionnant qui donne envie d’en savoir plus sur le metteur en scène et sur son travail ! Merci aux Zébrés!

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