CRITIQUE// « Escalier F », un livre de Jeanne Cordelier

Escalier F,
Jeanne Cordelier
144 pages, Phébus

C’est un beau message d’amour que l’auteur de La dérobade, avec son style direct et sans fioriture, ses expressions fleuries, envoie à ses quatre frères et à sa sœur aînée. Elle l’assure elle-même, Escalier F est « un livre sur la disparition de ceux qu’on aime… un livre de tendresse et d’affection ». Et, de fait, le récit nous distille au fil des pages son lot d’émotions : incrédulité indignée, amusement attendri, compassion et tristesse – celle qui poigne et laisse le cœur gros longtemps après le point final.

Escalier F, c’est donc une histoire familiale, l’histoire de cette fratrie entassée dans un 2 pièces et soudée face à la misère affective et la violence de son quotidien. Rien n’est épargné aux gosses par le père alcoolique et incestueux ni par la mère, mégère qui fait pleuvoir coups et insultes. Ils font pourtant front, portés par les indéfectibles liens d’affection qui les unissent, par cet amour pudique qu’ils ne savent pas se dire.  Ils se soutiennent les uns les autres, jusqu’au bout de leur enfance brutalisée d’abord, puis jusqu’à ce que  la mort vienne endormir les cœurs et disloquer la famille.

Le livre est bref mais le témoignage est immense, sans haine ni apitoiement. C’est le message d’une sœur aimante et loyale qui rend leur dignité à ces êtres que la vie a malmenés. C’est aussi une belle leçon de force et de solidarité face à l’ignominie au quotidien.

Maryse Decool