CRITIQUE // « Baudelaire : la Garden Party des Fleurs du Mal » au théâtre de la Reine Blanche

Mû par une insatiable quête du beau, Baudelaire consacrera bien des années de son existence et des lignes de son oeuvre à trouver dans le quotidien les réceptacles de l’Idéal. C’est ce fourmillement pas toujours très catholique que la Vénus Bleue entend refaire vivre sur la scène de la Reine Blanche, avec toute la ferveur et la fraîcheur de sa jeunesse. A travers des poèmes mis en musique, des paroles de leur cru et des tableaux variés, les comédiens aux rôles multiples nous emmènent sur le vaste océan de la féminité, naviguant des muses de petite vertu au « rêve de pierre ». Certaines compositions souffrent de la littérarité pompeuse des textes originaux (parfois moins destinés à la chanson qu’à la lecture malgré leur musicalité interne), mais la plupart révèlent à leur juste valeur le génie du grand Charles, épanchant d’entêtants parfums d’exotisme ou de mélancolie. De même, on pardonnera une ou deux incartades (que vient donc faire le lénifiant Hallelujah dans cet univers de plaisirs capiteux ?!), facilement rattrapées par la richesse visuelle de l’ensemble (bon point pour l’irrésistible effeuilleuse) et les quelques facéties musicales (Les P’tits papiers et consorts sont bienvenus). « Enivrez-vous ! », clamait Baudelaire, « de vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous! ». Les qualités scéniques de la Garden Party ont le mérite de ressusciter cette ivresse, fougueuse et désespérée, peuplée et solitaire.

 T. Leroy

Baudelaire : la Garden Party des Fleurs du Mal, Théâtre de la Reine Blanche (75018), jusqu’au 23 juin 2016.