Flora Fisbach nous revient avec Val Synth, un album court mais libre et maîtrisé.
8 titres, 25 minutes (et 11 secondes pour être tout à fait exact). C’est tout.
Par son format, le nouvel opus de la talentueuse Fishbach, passée maîtresse d’une synth-pop made in France aux relents 80’s, avait de quoi nous désarçonner. Pour autant, l’album n’a rien de fainéant. Là où certains artistes se plombent dans un renoncement au choix, nous inondant avec 16 ou 18 pistes monolithiques que l’on est pressé d’abréger, l’envoûtante Fishbach nous prouve qu’on peut faire bien avec peu. Car s’il est relativement bref, Val Synth n’en est pas moins dense pour autant. L’album tire son nom de la vallée des Ardennes où il a été réalisé : bienvenue dans un entre-deux-mondes, où la lumière côtoie la noirceur sur fond de synthés exaltés et hors du temps. On y croise des voyous de l’amour, des transes magnétiques, des souvenirs vintage, et même la voix caverneuse de Jean Réno qui répond aux fêlures de Flora, façon gourou intérieur. Ecouter le disque d’une traite, c’est pénétrer dans un univers décalé et fantomatique, plonger dans une bulle nocturne, délirante et mystérieuse avant de retrouver la réalité crue du jour.
Certains diront qu’on saute à pieds joints dans le kitsch. Alors, oui, on vous le concède : c’est parfois net et franc dans les arrangements. Mais c’est entier. Loin de faire des compromis, l’autrice-compositrice assume d’un bloc son héritage électro-pop et new-wave d’une autre époque, d’une autre galaxie. Elle s’en amuse, même, lorsqu’elle adresse un clin d’œil aux Musclés et aux Tortues Ninja, ou encore quand elle pastiche avec fun et brio les vocalises opératiques de Klaus Nomi. Dans ce barnum fantasque, l’interprète peut déployer tout à loisir les nuances de sa palette vocale, aussi à l’aise dans les vibrations excentriques à la Catherine Ringer que dans les écorchures d’une femme blessée.
On pourrait de prime abord regretter que ce tourbillon survolté de synthétiseurs et de boîtes à rythmes laisse peu de place à des respirations. Prolongeant un brin la durée du disque pour combler ceux qui resteront sur leur faim, un titre plus aéré n’aurait pas nécessairement détonné, pourvu qu’il eût conservé cette part d’étrangeté propre à l’album. Malgré ce refus, l’émotion n’est pas mise de côté. Flora décoche des flèches et envoie dans nos têtes ses joies d’amie fidèle autant que ses douleurs existentielles. « Qu’est-ce qui te fait si mal que tu aies besoin d’aller me blesser pour en guérir ? Allez, rends-moi ma vie, ce petit rire qui fait soleil… » lance l’artiste dès la première chanson. Tel un ultime cri au bord du gouffre, ce titre poignant est l’un des plus percutants de tout son répertoire. Ca mérite bien de s’oublier, le reste de temps, sur des beats enivrants et des nappes vampirisantes.
8 titres, 25 minutes. C’est tout. Et c’est réussi.
T. Leroy
Val Synth, un album de Flora Fishbach, éd. Vinyle Coloré, sept. 2025.
