CRITIQUE// « Voyager au Moyen Âge », au musée de Cluny

Alors qu’il conviait ses visiteurs à traverser le temps, le musée de Cluny leur propose désormais de sillonner l’espace terrestre. Jusqu’au 23 février 2015, l’exposition « Voyager au Moyen Âge » convoque pèlerins, marchands, princes et artistes pour interroger les raisons, communes ou singulières, qui ont poussé ces nomades à quitter leur domicile.

Premier mérite de ce vaste programme : celui de la clarté. L’explication des différents objectifs des voyageurs facilite l’éclairage d’une thématique certes rebattue mais prometteuse.  Si la découverte du monde, la soif de connaissance, l’appréhension de l’Autre, la guerre ou le commerce sont des motivations que l’on eût aisément devinées, l’envoi des rouleaux des morts (destinés à annoncer un décès), la quête du sacré et du salut, l’itinérance artistique ou encore le besoin de visibilité sociale sont des points de départs moins présents à l’esprit sur lesquels « Voyager au Moyen Âge » lève également le voile.

Clairement identifié, chaque but révèle la richesse et l’ingéniosité des moyens mis en œuvre pour y parvenir. Grâce aux œuvres d’art et aux nombreux objets usuels présentés – véritables pièces de collections remarquablement conservées -, le cheminement initié par l’exposition permet ainsi de prendre la mesure tantôt de l’écart, tantôt de l’étroite ressemblance qui nous sépare ou nous rapproche de nos aïeuls médiévaux. On apprécie l’éclatante beauté des tapisseries, des toiles et de l’artisanat ; on admire le courage nécessité par des conditions matérielles souvent rudes, mais aussi le bel ouvrage des ruses destinées à améliorer les déplacements et les transactions ; on sourit ou l’on regrette enfin de comprendre que certains desseins (sociaux, religieux et belliqueux, notamment) n’ont pas tant évolué depuis cette époque, pourtant réputée obscure pour certains de ses traits…

Sans verser dans le zèle universitaire ni l’excès de vulgarisation, le musée de Cluny donne généreusement matière à l’indiscutable floraison culturelle, sociale, économique et idéologique du Moyen Âge que l’axe du voyage permet d’analyser. Déployée au sein d’un lieu de prédilection (quels plafonds !), l’exposition « Voyager au Moyen Âge » signale une première collaboration réussie entre les établissements du réseau des musées d’art médiéval. Espérons qu’elle inaugure une liste fructueuse.

Timothée Leroy