CRITIQUE// « The Voices », un film de Marjane Satrapi

Mais qu’est-il arrivé à Marjane Satrapi, la réalisatrice de Persepolis et de Poulet aux prunes, pour qu’elle se fourvoie dans cette aventure ? The Voices  commence comme une de ces comédies américaines pour ados – pas grave se dit-on, déjà convaincu que le talent de Marjane saura utiliser cet humour particulier afin de mettre à mal nos travers contemporains – pour se transformer en cauchemar sanguinolent digne des meilleures fictions du genre.

L’histoire ? Le héros, Jerry, employé dans une fabrique de baignoires, tombe amoureux de Fiona, la sensuelle comptable de l’usine. Jerry, qui vit seul avec son chien Bosco et son chat Mr Moustache, n’oublie aucun de ses rendez-vous avec sa psy. Le problème c’est que Jerry, dont la schizophrénie devient vite évidente, ne prend pas son traitement et entend des voix : celle de Bosco, sa bonne conscience et celle de Mr Moustache, son mauvais génie qui le pousse au meurtre.
L’idée de départ est excellente, se mettre dans la tête d’un individu psychotique déchiré entre les prescriptions de sa psy et l’emprise de ses animaux, tout en mélangeant les genres (comique, horreur, drame). Malheureusement, le film perd très vite son souffle et s’enlise dans le convenu et l’attendu. On rit souvent, on est parfois choqué, parfois terrorisé mais certaines scènes produisent aussi une curieuse impression de « déjà-vu » (la tête dans le frigo ou le cadre de vie de Jerry, coquet ou insalubre en fonction de qui le perçoit). Mis à part l’épisode de la collision avec un cerf – le seul qui surprend vraiment, le seul à faire sursauter et grimacer d’effroi – le scénario est cruellement prévisible, tant il lui manque un peu de cette folie qui caractérise son personnage. Sentiment renforcé par l’acteur principal Ryan Reynolds dont la prestation, aussi juste soit-elle, souffre de trop de sobriété, voire de trop de contrôle. Il s’en serait pourtant fallu de peu, par exemple que les personnages du chien et du chat prennent de l’épaisseur et de la démesure, pour rendre le film vraiment allumé, surréaliste, et le faire décoller. Mais n’est pas Tim Burton ou David Lynch qui veut. The Voices n’est pas un mauvais film mais il ne tient pas ses promesses. Jusqu’au générique de fin qui semble une resucée de La vie de Brian, en moins drôle.

Les admirateurs de Marjane Satrapi n’auront aucun mal à oublier cette pochade gore montée en neige en attendant une prochaine réalisation un peu moins volatile.

Maryse Decool