CRITIQUE// Germinal : c’est raté

Soyons honnêtes : sur le plan esthétique, la série de Julien Lilti et David Hourrègue tient toutes ses promesses. Mais le premier épisode, dont la diffusion le 27 octobre sur France 2 est annoncée en fanfare, n’augure pas grand chose de positif pour la suite. A n’en pas douter, l’ensemble ne soutiendra pas la comparaison avec le film de Claude Berri sorti en 1993.

Si la reconstitution de la mine et du travail des mineurs – hommes, femmes, gamins, ces damnés des ténèbres – est remarquable, si les premières images d’un coup de grisou et de l’explosion mortelle qui s’ensuit sont saisissantes de réalisme, la représentation de la vie quotidienne nous donne pour sa part une vision bien édulcorée. La mise en scène trop lisse ne laisse jamais transparaître ce qui exsude des murs de brique chez Zola : la souffrance née du dénuement, de la faim, l’entassement dans la promiscuité, la crudité des situations liée à la proximité des corps et à leur intimité improbable (on se souvient de la scène du bain donné à Maheu/Depardieu par sa femme dans le film de Berri). Comment rendre plausibles la détresse et la faiblesse humaine quand les acteurs semblent pleins de vie et de santé (Etienne Lantier au visage poupin, les fillettes à la vêture soignée, impeccablement coiffées) ? Où est passée la « pâleur chlorotique » qui résumait à elle seule les visages émaciés et les corps chétifs ? Tout sonne faux jusqu’à la poussière noire, qui ressemble à une couche de cirage gras et disparaît avec la première eau de lavage – alors que la poudre de charbon, faut-il le rappeler, s’incrustait dans tous les pores, les rides et teintait les cils de ceux qui furent ainsi appelés « gueules noires ».

Quelle est la finalité de cette resucée tape à l’œil ? Quel intérêt de moderniser à ce point le récit original en truffant ses dialogues d’anachronismes (« Je m’casse ! » « Dégage ! » « Il drague ! ») ou en créant des situations inédites ? Catherine n’est pas violée dans le roman, elle est certes malmenée et battue par Chaval mais avec cette sorte de servilité féminine propre à l’époque et bien loin de la rage sourde éprouvée ensuite. Un appel du pied opportuniste à Meetoo ? A l’issue de ce premier épisode, on est en droit de se demander comment va germer la graine de la révolte sociale, la première, semée jadis par Zola.

L’histoire des corons, la misère, la faim, la dignité des mineurs dans leur combat, tout cela ne s’accorde que difficilement avec le clinquant du contemporain. Ce nouveau Geminal est beau, coloré, pimpant : saisit-il pour autant toute la substantifique moëlle de cette formidable fresque épique qu’est le roman éponyme ? Dans le doute, choisissons de relire Zola.

Maryse Decool