CRITIQUE// « Gatsby le magnifique », un film de Baz Luhrmann

gatsby

Inégal.

Quand le cinéaste le plus baroque d’Hollywood revisite un chef d’œuvre de la littérature américaine avec la grandiloquence et l’extravagance auxquelles il nous a habitués dans Roméo + Juliette ou Moulin rouge, ça n’est pas toujours du meilleur effet. Dans cette nouvelle adaptation du roman de Francis Scott Fitzgerald (il y en a eu quatre au total, la plus connue étant celle de 1974 avec Robert Redford), la trame de l’histoire est scrupuleusement respectée. En 1922 à New York, période aux mœurs relâchées, favorable à l’enrichissement des contrebandiers d’alcool, le jeune écrivain Nick Carraway (incarnation de Fitzgerald) intègre le monde des milliardaires, des fêtes grandioses et du jazz et se retrouve au cœur d’un triangle amoureux formé par l’énigmatique Gatsby qui cherche à reconquérir son amour de jeunesse, la belle Daisy, et son mari, le richissime et volage Tom Buchanan. En témoin privilégié de son époque, Nick va écrire l’histoire de cet amour fantasmé et forcément voué à la tragédie.

Dès le début du film, Luhrmann nous ressert les ingrédients utilisés pour Moulin rouge : outrance, anachronisme revendiqué et mise en scène ampoulée ; ainsi le spectacle de la fête mondaine et décadente donnée chez Gatsby nous laisse-t-elle une  impression de « déjà-vu ». Ce qui  a pu faire illusion et nous emporter par le passé semble ici bien affecté et maladroit et la lourdeur prend le pas sur la folie. La seconde partie aborde de manière plus profonde, plus intérieure les relations entre les personnages, elle explore la souffrance infinie de Gatsby, laissant bien deviner de quelles illusions se nourrit son rêve et la tragédie qui se dessine. Plus intéressante, elle concentre les plans les plus réussis du film : séquences spectaculaires et haletantes, scènes burlesques et moments de vraie émotion. Associée à un casting prestigieux (Di Caprio, Carey Mulligan et Joel Edgerton très convaincants) elle évite à Gatsby de n’être qu’une succession de tableaux criards et prétentieux noyés dans une bande son navrante.

Au final, Gatsby le magnifique est un curieux film, à la fois raté et intéressant. Rien de transcendant dans la réalisation mais la fin du film peut faire oublier la vacuité du début et son côté clip de luxe. Eludez la nécessaire question « pourquoi une nouvelle adaptation ? » et allez le voir pour vous faire une opinion.

Maryse Decool


Notre avis : ***

3 Replies to “CRITIQUE// « Gatsby le magnifique », un film de Baz Luhrmann”

  1. Je partage votre avis, j’ai regretté le coté tape-à-l’oeil du film même si j’aime beaucoup Di caprio…

  2. Bonsoir ! Je suis d’un autre avis en ce qui concerne la première partie du film. Je comprends que l’on puisse reprocher à Baz Luhrmann de ressortir toujours les mêmes combines (mais ne font-elles pas aussi la « marque » Luhrmann, et reproche-t-on à Tarantino ou à Tim Burton, par exemple, les caractéristiques qui sont leur signature ?). Néanmoins, j’ai trouvé qu’ici, la méthode Luhrmann fonctionne plutôt bien. Les chansons qui accompagnent le film sont ce qu’elles sont, mais elles constituent sans doute un bel aperçu de ce que devait recevoir en pleines oreilles Nick Carraway en débarquant à sa première Gasby-party : un tumulte indescriptible, du grandiose, du clinquant, un océan furieux d’hommes et de femmes venus danser jusqu’au matin. On est après tout en pleine ivresse, en pleine insouciance des « Roaring Twenties », et il me semble qu’une bande originale composée de Charlestons vieux de presque un siècle n’aurait peut-être pas été aussi efficace. 🙂
    P.S. La réputation de DiCaprio n’est plus à faire, mais j’ajouterai qu’en effet, il campe un Gatsby parfait : pathétique, héroïque, tragique et fascinant.

  3. (mais ne font-elles pas aussi la « marque » Luhrmann, et reproche-t-on à Tarantino ou à Tim Burton, par exemple, les caractéristiques qui sont leur signature ?

    C’est bien là le problème! Là où Tim Burton réussit à chacun de ses films à imposer sa « patte », de manière subtile et brillante, d’autres s’en sortent plus mal. Personnellement, le cinéma de Tarantino, le Tarantino que j’ai adoré dans « Reservoir dogs » et « Pulp fiction », a fini par me lasser; j’ai décroché à partir de « Kill Bill ».
    C’est la même chose pour Baz Luhrman; je trouve que trop de kitsch et d’exubérance tuent l’originalité; le risque étant de faire basculer le film dans la vulgarité.

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